DOCUMENTA 14 – KASSEL 2017

Avant tout rassemblement humain, cet événement qui a lieu tous les 5 ans permet aux œuvres d’artistes du monde entier de rencontrer un public international composé non seulement de professionnels mais également d’amateurs éclairés et simples novices. 

Un camp d’art contemporain accueillant tous les regards, à l’image du thème d’actualité récurrent dans les discours : les réfugiés. 

Evidemment se posent les questions d’identité, de déracinement, d’exils passés, d’habitat ... En résumé, trouver sa place dans le monde. 

La première œuvre qui vient à l’esprit est l’installation du sud-coréen Kimsooja, « Bottari » visible dans le Fridericianum sur la Friedrichsplatz et cette réflexion de l’artiste, je cite : "Homeland is not a topographically definable place, but a state of consciousness and belonging." (Traduisible en ces termes "La Patrie n'est pas un endroit topographiquement définissable, mais un état de conscience et d’appartenance.") 

Laissons-nous aller à imaginer ce que pourraient contenir nos baluchons si nous étions dans la nécessité de quitter une terre natale pour en retrouver une nouvelle
qui serait spirituelle. De quoi aurions-nous besoin pour nous sentir partout chez nous ? 

Suite à maintes expériences et introspections, il semble que la maison se situe dans nos cœurs et qu’elle est donc transportable partout, à condition d’avoir ce sentiment incommensurable d’être avant tout un habitant de l’univers et non simplement d’un continent, d’un pays, d’une ville, d’un village ... 

“Wherever Kimsooja finds herself to be, her body is simultaneously her studio and her home.”(Partout où Kimsooja trouve elle-même où être, son corps deviant simultanément son atelier et sa maison.” 

Ouvrir ces sens à 360 degrés pour ne plus jamais se sentir perdu ... 

Certains penseront qu’il ne faut jamais avoir vécu de guerre et qu’il est difficile de se mettre à la place de ces milliers de réfugiés qui fuient un territoire devenu mortel... 

Effectivement ... 

Mais tout cela est si largement évoqué dans cette Documenta qu’il semblait intéressant de présenter l’émigration sous d’autres angles, d’autres contraintes ... L’expatriation par exemple. Largement répandue et rarement aussi joyeuse qu’on pourrait l’imaginer. 

Là encore le sentiment de déracinement peut avoir des retombées catastrophiques telle que la dépression ... 

La course vers l’Eldorado peut s’avérer décevante. 

L’une des nombreuses citations de Dmitry Prigov recouvrant les murs du Presse und Informationszentrum et de ceux surplombant les escaliers menant au Leder-Meid Apartment. 

Dans un vieil appartement délabré, nous découvrons quelques peintures d’Apostolo Georgiou accrochées çà et là dans une logique de concordance avec les différentes pièces de l’habitat. 

Ne vous attendez pas à un palais ... Savourez l’instant de la surprise ! 

Belle émotion également lorsque l’on atteint le premier étage de la Neue Galerie. Lisez et ressentez ... 

Il est du choix de chaque visiteur de prendre le temps de s’arrêter devant cette lettre isolée... 

Et si nous étions tous fous ? 

C’est avec beaucoup de tendresse, de bienveillance et d’empathie que le réalisateur chinois Wang Bing filme durant quatre heures une cinquantaine d’hommes enfermés dans un hôpital psychiatrique. 

Le Gloria Kino propose une rétrospective sur ce cinéaste spécialiste de si longs documentaires que nous semblons partager la vie des protagonistes. Une immersion totale dans une vie parallèle qui, dans « Til Madness Do Us Part », semble oublier la dignité humaine. Cet hôpital semble pire que nos prisons ... 

Serait-ce le but de Wang Bing que la dénonciation ? Malgré cela, nous nous prenons d’attachement pour ces malades dont les comportements nous rappellent nos pires 

bêtises d’enfant ... Cela pourrait presque sembler drôle si l’on oubliait les destins tragiques dans lesquels peut nous emporter la folie ... 

Où vivre quand on devient dangereux pour les autres et pour soi-même ? 

Et si chacun construisait une maison à son image ?

C’est ce que nous propose l’athénien Christos Papoulias au Palais Bellevue en attribuant à chaque caractère un habitat particulier. On y voit régner les peurs enfantines tels que les greniers et autres vieilleries ... 

Un pur moment de fantaisie et de retour vers nos fantasmes. 

Si vous deviez créer un masque caricaturant votre place dans ce monde, que choisiriez-vous de mettre en avant ? 

A l’Hessischeslandesmuseum, découvrez les réponses d’une famille de l’Ouest de L’inde photographiées par l’artiste Gauri Gill : « Acts of appearance «. 

Il ne s’agit pas ici de réaliser un masque représentant une divinité mais celui de la réalité de nos vies. 

Aussi, il fut difficile de rester insensible à cette image en particulier...

L’homme et son masque de mendiant qui fait porter, à l’image de nos SDF européens, un masque de chien à l’enfant qui l’accompagne. 

Poignant, évident, universel ... 

Après avoir trouvé une identité, saurons-nous où aller ? 

Le Cinestar de la Karlsplatz propose « I had nowhere to go “ d’après le roman autobiographique de Jonas Mekas que la guerre a forcé à l’exil. 

Une suite d’écrans gris ponctuée par quelques images d’objets du quotidien sur un fond sonore unique : la voix de Jonas Mekas récitant son journal.

Suite à de telles émotions, où aller ? 

Pour ceux et celles qui, cette année, auraient eu la chance de commencer par Athènes, nous vous laissons nous raconter ... 

Ceci n’est qu’un court récit subjectif sur un événement qui en demanderait bien plus long. Lié à une expérience personnelle, il n’est que le reflet d’une sensibilité particulière nourrit par des histoires passées que les sens ont emmagasinées ... 

Ce n’est donc qu’une « Documenta » parmi des milliers d’autres ... 

A vous d’inventer la vôtre ! (Avant le 17 Septembre 2017)